Épisode 1
En 1997, Mon ami Nestor et moi nous étions promis d’aller en Norvège aux commandes d’un avion. 16 ans plus tard, nous avons accompli notre promesse.
L’histoire commence par un contrat gagné ensemble pour travailler à la modernisation de navires militaires pour la Marine Nationale norvégienne en 1995. Ce fut également le début d’une très longue amitié, ou malgré des parcours professionnels différents, nous sommes restés en contact toutes ses années. En 2012, ayant chacun repris contact avec l’aviation légère, nous avons relancé notre vieille idée.
Le principe d’aller en Norvège en avion léger était prise ainsi que l’option de partir avec le F-GZSA du CASA pour nous rendre à Kritiansand, au sud de la Norvège.
Je passerai sur la longue phase de préparation du vol si ce n’est pour dire que celle-ci doit être très soigneusement travaillée. Ne pas oublier, en plus du PPL, de passer l’examen d’anglais (FCL1.28 ?) permettant de voler en zone non francophone. Nous nous tenons à la disposition des membres du club pour partager notre expérience dans le domaine pour les différents pays traversés.
Notre départ était programmé le 19 juin 2013 par une route via la Belgique et les Pays-Bas, Cependant, le mauvais temps sur la zone nous a obligé à changer nos plans et prendre un cap plus à l’est, puis remonter plus tardivement vers le nord pour aller au Sud d’Hanovre, à Hildelsheim (EDVM).
Nous sommes arrivés juste avant la fermeture du terrain, nous permettant de refaire le plein et quitter le terrain avant sa fermeture. Un chauffeur de taxi très serviable nous a aidé à trouver une pension de famille pour la nuit à un prix raisonnable. L’un des éléments crucial était de trouver un frigo, afin d’y stocker l’importante réserve de fromage que nous emmenions en Norvège…
Épisode 2
Après une préparation du vol dans la zone de briefing situé dans la tour, décollage vers la Norvège via la côte ouest du Danemark. Alors que nous sommes établis au niveau 65, nous voyons la couche se sceller très rapidement sous nos pieds et nous décidons d’interrompre notre vol (IVV) et de nous poser sur le terrain le plus proche de Tønder (EKDT).
L’approche est délicate sous un plafond très bas, avec de très nombreuses éoliennes et un terrain en herbe difficile à localiser. L’atterrissage se déroule finalement sans encombre. Alors que nous hésitons sur la stratégie à prendre, un Cessna 172 se pose. Ce sont des travailleurs qui rentrent de Norvège et nous informent que le temps de dégage très rapidement vers le nord. Après examen de la dernière prévision météo, nous décidons de repartir, nous montons « on top » dans une trouée et reprenons notre route vers Kjevik en suivant les VOR. Effectivement, très rapidement, la couche se fragmente pour tourner au ciel bleu en arrivant à la limite de la côte du Danemark.
La traversée entre le Danemark et la Norvège à une durée de 45 minutes au-dessus de l’eau. Nous avons préparé les gilets de sauvetage, au cas où. Comme bien des pilotes avant nous et bien que le moteur ne sache pas qu’il vole au-dessus de l’eau, nous gardons une oreille particulièrement attentive au moindre bruit inhabituel : il parait que l’eau est froide par ici, même en juin…
Épisode 3
Nous nous préparons alors à l’arrivée sur Kjevik (ENCN). Ce qu’il faut savoir, c’est que la procédure d’arrivée publiée pour les VFR à Kjevik est particulièrement complexe, avec des successions de changements d’altitudes, de multiples points de reports et de basculement de fréquences, en fonction de la piste en service.
Le contrôle aérien Danois nous demande de passer avec la TMA d’Oslo dès le passage de la frontière, ce que nous faisons. Peu de temps après, on nous demande de passer directement avec la tour de Kjevik. Le contrôleur nous accueille très gentiment et nous demande simplement de le rappeler lorsqu’on verra le terrain, sans suivre la procédure ! En vue du terrain, nous nous mettons en vent arrière et il nous demande simplement de rappeler en finale, après un Dash-8 qui était finale avec une distance suffisante pour éviter la turbulence de sillage… rien de plus simple !
Juste après le débarquement de l’avion, nous devons nous soumettre au passage douanier. Il faut savoir qu’en plus du stock de fromages qui émettait une odeur caractéristique dans la cabine, nous avions également des caisses d’excellents crus français pour notre ami norvégien…
Épisode 4 : Peenemünde
Nous passerons sous silence les quatre jours passés en joyeuses libations dont une merveilleuse fête de la Saint Jean en bateau sur les fjords norvégiens, ou les habitants allument, à la nuit tombée, des feux de joie au bord de l’eau pour chasser les sorcières et les mauvais esprits.
Pour le voyage retour, étant tous deux passionnés par l’histoire de l’aviation et de l’espace, nous étions tous deux attirés par la visite de lieux historiques. Pour nous, Peenemünde est un must puisque c’est là que fut développée la première vraie fusée, le V2 sous la direction d’Herbert Von Braun.
C’est un lieu fort du point du vue scientifique, mais également un lieu de mémoire de la seconde guerre mondiale. Nous découvrirons en nous nous y rendant que c’est également un lieu largement marqué par la guerre froide.
Peenemünde se situe en Allemagne en Poméranie Occidentale, tout au nord-est de l’Allemagne, en ex-Allemagne de l’est et à proximité de la Pologne et donne sur la mer baltique.
Notre route est directe depuis Kjevik vers Peenemünde. Nous passerons juste à l’ouest de Copenhague. Après le dépôt du plan de vol avec Oslo par téléphone, nous effectuons un voyage sans problème jusqu’à l’ancienne piste soviétique de Peenemünde. La piste est dorénavant un terrain privé qui propose du carburant et des chambres d’hôtes et location de vélos pour les visiteurs. C’est parfait pour nous.
Nous y resterons une journée complète et visiterons le musée et mémorial de Peenemünde et la petite ville adjacente. Le lieu se transforme progressivement en centre balnéaire mais le poids de l’histoire reste très fort : le parcours mémoriel, qui indique ou se trouvait les différentes installations, nous rappelle avec force que l’essentiel des travaux étaient réalisés par des prisonniers qui dépendaient du camp de concentration de Ravensbrück. Nous sommes marqués par un sentiment mêlé d’admiration pour le véritable génie déployé dans la conception du V2 et de tristesse pour les moyens mis en œuvre pour y parvenir.
Épisode final : le retour
Il est donc temps de repartir…car la dépression guette, dans tous les sens du terme !
La météo étant très moyenne, nous traçons une route légèrement sud-ouest pour rentrer via Münster Telgte (EDLT) où nous ferons une halte pour le plein de l’avion et des estomacs et déposer notre dernier plan de vol.
Le retour se fera via la Belgique ou nous passerons notre temps à zigzaguer pour suivre les demandes des contrôleurs et changer 6 fois de fréquences en 40 minutes… nous passons enfin avec Lille Approche puis nous passons au-dessus de l’ancienne base de Cambrai. Nous arrivons sur la CTR de Beauvais que nous devons longer avec d’obtenir la clearance pour rejoindre Saint André. Nous nous posons en soirée ou Jack et Alain nous attendent pour rentrer l’avion.
Nous achevons ici un voyage de près de 1680 nm et 17 heures de vol.
Pour ceux qui veulent reconstituer le trajet, voici la liste des points parcourus : LFFD BVS MTD LFGS DIK NTM ETSB EDKI EDVI EDVM HA EDVH LBE EDXJ EKTD EDXK EKVJ RAM RASVI EKSIL ENCN AGDES LAGUM AAL TNO CDA TRT EDCP BKD WUN EDLT BOT EBZW HUL CMB LFFY LFFD
Les principales leçons apprises :
- Une bonne préparation est indispensable
- Parler l’anglais est indispensable et l’allemand un plus indéniable (en plus du FCL1.055)
- Ne pas hésiter à faire demander de l’aide au contrôle (météo, information)
- La qualité du service d’information de vol en Allemagne n’est pas terrible (ne savent pas où on peut trouver du carburant par exemple)
- Le BRIA du Bourget est d’une grande aide dans le dépôt des plans de vol depuis et vers la France ; ne pas hésiter à le faire par téléphone, c’est rapide et pratique.
- Bien clôturer le plan de vol auprès du BRIA, surtout lorsqu’on est en retard sur l’horaire !
- Il faut se laisser du temps afin de ne pas être contraint par la météo
En conclusion :
une très belle expérience qui n’est pas si difficile que cela, en toute sécurité. Nous serons ravis de partager cette expérience avec d’autres membres qui seraient tentés par ce voyage.