Initialement, la sortie « club » à destination de la Norvège était prévue pour l’été 2020. La crise Covid ayant rendue tout passage de frontière compliqué, le projet avait été mis de côté en attendant des jours meilleurs. Début 2022, les restrictions levées, l’idée du voyage refait surface. Pourquoi ne pas tenter l’aventure ? La destination sera Stavanger, au sud-ouest de la Norvège, pour survoler entre autres, les fameux fjords dans la région de Bergen. Pour ceux qui ne le savent, la ville de Bergen est surnommée la « ville de la pluie ». Arriverons-nous à destination ? Là est la question.
Le départ est fixé au lundi 22 août avec l’avion de voyage DR400, 180 CV, F-GCUB du Club Aéronautique de Saint André de l’Eure (CASA) et deux pilotes à son bord, Franck et Nicolas. Ils seront accompagnés par un équipage de Clermont-Ferrand, en DA40, dont l’un des pilotes, Bertrand, est aussi membre du CASA.
Jour 1 : le départ
La météo annoncée est bonne sur l’ensemble du parcours, dans la mesure où nous quittons Saint- André dans la matinée. A 9h30, mise en route de l’avion et départ pour Calais (LFAC) pour y faire le plein d’essence. D’un point de vue aéronautique, rien de spécial sur cette partie du vol. Passage par la verticale de la base aérienne d’Evreux puis direct sur le VOR de Rouen, Le Tréport et tout le trait de côte jusqu’à destination. Pas la première fois que nous survolons cette région, mais l’émerveillement reste intact à la vue de la baie de Somme, ses plages, sa colonie de phoques. Au passage du cap Gris Nez, nous entrevoyons les côtes de l’Angleterre où nous sommes déjà allés en avion léger. Quelle chance avons-nous de voyager librement alors qu’en dessous de nous des milliers de migrants tentent de franchir la Manche au péril de leur vie.
A partir de là, l’aventure commence ! L’étape est assez longue, près de 3h de vol pour rejoindre notre escale du soir, Wilhelmshaven (EDWI), en Allemagne. Lille Info active notre PDV et très vite nous sommes basculés de fréquence en fréquence. D’abord avec Ostende Approach, en Belgique. Première fréquence étrangère, donc en anglais. La route à suivre est celle du trait de côte. En moins de 20 minutes nous traversons la Belgique et sommes déjà en contact avec Amsterdam Info. Nous contournons par la mer l’immense port de Rotterdam et nous devons descendre en dessous de 1500ft (500m) pour rester en dehors de la classe A d’Amsterdam Schipol (EHAM), l’un des aéroports les plus fréquentés d’Europe. D’ailleurs, rapidement, le contrôleur aérien nous avertit qu’un Boeing 737 dans nos 8h, allait nous dépasser à quelques centaines de mettre d’écart et pas beaucoup plus haut que nous. A peine sa phrase terminée que l’avion nous dépasse déjà, nous obligeant à rester vigilants quant à la survenue de turbulences de sillage qui pourraient déstabiliser notre avion fait de bois et de toile.
La côte est très droite avec une alternance de larges plages, de villes et de structures industrielles, ceci jusqu’à Den Helder et le début des îles frisonnes. Nous volons sur la mer. A portée d’ailes de champs qui pourraient nous accueillir en cas de de panne moteur. Tout est calme jusqu’au moment où nous entendons un message du contrôleur aérien indiquant que toutes les zones « R4 » sont actives.
Ces zones servent à l’entrainement de l’armée de l’air néerlandaise. Interdiction pour nous d’y pénétrer. De suite, il est décidé d’activer le plan B. Et oui, nous avons un plan B. Il faut dire que pour un voyage comme celui-ci, dans six pays étrangers, la préparation ne sait pas faite en quelques minutes. L’étude méthodique et minutieuse des cartes aéronautiques nous a permis d’anticiper une telle situation. Une fois passé la « classe A » de Schipol, cap à l’est pour éviter les « Roméo 4 ». Nous ne longeons plus la côte, mais les champs bien délimités, les maisons et moulins sont très jolis à regarder, surtout à 1200 ft (300m) du sol.
De retour sur la côte au niveau de Leeuwarden, nous contactons Dutch Military Info et enfin nous pouvons survoler ce magnifique archipel des îles frisonnes à partir du nord des Pays-Bas jusqu’à destination. Nous passons d’île en île. Certaines sont dotées d’un aérodrome, d’autres sont 100% dédiées à la nature et à des colonies d’oiseaux. D’ailleurs, pour ne pas déranger la faune locale, il est obligatoire de voler au moins à 1500 ft et pour éviter de rentrer en collision avec un oiseau nous montons même plus haut.
Après presque 3 heures de vol nous sommes presque arrivés à destination. La météo sur Wilhemhaven, alias Jader Weser airport, est bonne. Pas de soucis de ce côté. Nous contactons la tour de contrôle (AFIS) pour nous intégrer dans le circuit. Vent arrière main droite, base, finale, tout s’enchaine à merveille. Une fois l’avion posé nous indiquons à la radio vouloir faire le plein d’essence. La réponse est « Possible uniquement avec une carte BP, pas de paiement par carte de crédit ». Forcément, nous n’avons pas de carte BP car rien n’indiquait dans la documentation disponible la nécessité d’en disposer d’une. Gros moment d’interrogation dans le cockpit. Avec de l’essence dans les réservoirs pour à peine plus d’une heure de vol (hors réserve réglementaire de 30’) il y a peu d’alternative comme autre terrain pour refaire le plein. Nouvel échange radio avec l’AFIS. En fait, il faut une carte BP pour activer la pompe à essence, mais l’AFIS peut l’activer à distance et dans ce cas il est possible de payer par carte de crédit à la tour. Ouf, nous sommes sauvés. Nous faisons le plein, puis payons à la tour et arrimons tranquillement l’avion pour la nuit. Nos collègues clermontois nous rejoignent et prenons un taxi jusqu’à l’hôtel en centre-ville.
Le dîner est l’occasion de faire un point sur la journée qui s’achève et surtout sur celle du lendemain. La météo est bonne jusqu’à l’est de la Norvège, avec une incertitude sur l’ouest, donc sur Stavanger. A vrai dire nous pourrions aller jusqu’à Stavanger, mais la dégradation météo annoncée nous y bloquerait au moins 3 jours. Très vite l’idée d’aller jusqu’au but s’estompe. A ce moment nous ne pensons même pas pouvoir atterrir en Norvège. Alors nous regardons vers le nord-est où la météo est plus clémente. Aller jusqu’à Stockholm en se posant sur le terrain de Ska-Edeby (ESSE) est envisagé. Par SMS des infos sont prises auprès de Thomas, un ancien instructeur au CASA qui s’y est posé durant l’été. L’impossibilité d’avitailler le DA40 en Jet A1 et un trajet trop long pour se rendre à la capitale suédoise en transport en commun nous font renoncer à cette destination. Décision est prise d’aller au moins jusqu’en Suède, à Göteborg et d’aviser ensuite en fonction de la météo. Maintenant au lit. La journée de demain va être longue.
On retrouve prochainement nos aventuriers dans le jour 2 de leur voyage, à suivre…